Édition internationale

Qui sont les business angels espagnols ? Portrait d’un investisseur clé mais discret

Ils investissent tôt, misent sur le long terme et apportent bien plus que de l’argent. Majoritairement quinquagénaires, les business angels espagnols jouent un rôle clé dans l’écosystème des start-ups. Une enquête récente dresse leur portrait, chiffres à l’appui.

un homme business angels travaillant avec des femmes dans un bureau de marketing en espagneun homme business angels travaillant avec des femmes dans un bureau de marketing en espagne
Vlada Karpovich, Pexels.
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 4 juin 2025, mis à jour le 7 juin 2025

Ils arrivent là où les autres hésitent. En Espagne, les business angels s’imposent comme les premiers soutiens de l’innovation, ceux qui parient tôt, souvent avant tout le monde. Leur rôle dépasse largement l’apport de capital : ils injectent leur expertise, leur réseau, et une dose de confiance dans des projets encore fragiles, mais prometteurs. Une enquête signée AEBAN et IESE Business School vient mettre un visage et des chiffres sur ces investisseurs discrets mais décisifs.

 

En Espagne, le business angel a plus de 50 ans et de l’expérience à revendre

Le business angel espagnol type n’est pas un jeune premier. Majoritairement masculin, il affiche plus de cinquante printemps et au moins trois ans de parcours dans le monde de l’investissement. 

 

homme de 50 ans et plus
Andrea Piacquadio, Pexels. 

 

Selon le dernier rapport de l’AEBAN, près de 80 % de ces investisseurs ont dépassé les 41 ans, et plus de la moitié évoluent dans cet univers depuis des années (entre trois et huit ans). Un capital d’expérience qui se traduit par une vision de long terme : leur horizon d’investissement s’étale bien au-delà des cinq années. Un atout précieux pour les start-ups en quête de stabilité et de soutien durable.

 

Les business angels, maillons clés de l’innovation : les business angels sont des investisseurs privés qui injectent leur propre argent dans des start-ups à fort potentiel, généralement en phase très précoce (pré-amorçage, amorçage). Situés entre le cercle proche des fondateurs et les fonds de capital-risque institutionnels, ils comblent un vide du financement de l’innovation. En lien avec incubateurs, accélérateurs, fonds, universités et pouvoirs publics, ils jouent un rôle-pont dans un écosystème entrepreneurial en constante évolution.


 

 

Une féminisation encore à la traîne 

En Espagne, la part des femmes dans l’univers des business angels progresse, mais à petits pas. Elles représentent aujourd’hui 30 % des investisseurs, un seuil atteint en 2021 et depuis lors inchangé. 

Si leur présence s’ancre peu à peu, elle ne s’accompagne pas encore d’un engagement financier équivalent à celui de leurs homologues masculins. Selon le rapport, 85 % des femmes injectent moins de 10 % de leur patrimoine dans des start-ups, contre 60 % chez les hommes. 

 

 



 

Des tickets serrés, des paris sûrs 

En 2024, les business angels espagnols ont investi en moyenne 95.525 euros. Mais cette enveloppe est gonflée par quelques très gros tickets : la médiane, plus représentative, s’élève à 20.000 euros. La majorité des investisseurs (70 %) ont injecté moins de 50.000 euros au cours de l’année. 

Les femmes se concentrent davantage sur de petits montants (moins de 10.000 euros), tandis que les hommes sont plus présents dans les tranches élevées, au-delà de 100.000 euros.

Autre tendance marquée : en 2024, près de 7 business angels espagnols sur 10 ont investi dans des tours de suivi, c’est-à-dire dans des start-ups dans lesquelles ils avaient déjà misé auparavant. Une stratégie de prudence et non de prise de risque : plutôt que de financer de nouveaux projets, ils préfèrent consolider ceux qu’ils connaissent déjà, en les accompagnant dans leur croissance. 


 

Santé, agri-food, logiciels : les secteurs des business angels espagnols

En matière de choix d’investissement, les business angels espagnols affichent une nette préférence pour les secteurs à fort impact sociétal. 

 

 

Illustration en flat design représentant un business angel en costume, avec des ailes, tenant une pièce et une mallette. Autour de lui, des icônes symbolisent les secteurs clés en Espagne : un cœur pour la santé, une tomate pour l’agri-food, et une balise de code pour les logiciels. À l’arrière-plan, une ferme stylisée et une jeune pousse évoquent l’investissement dans l’innovation.
DALLe.

 

Les technologies de la santé arrivent en tête, attirant 37 % des investisseurs. Elles sont suivies par l’agriculture et l’agroalimentaire (23 %), puis les logiciels à destination des entreprises (20 %), des domaines perçus comme porteurs et résilients. 

Autre tendance dans l’écosystème espagnol : le co-investissement. Devenue une pratique courante, cette stratégie collaborative — entre particuliers ou avec des fonds de capital-risque — permet de répartir les risques, tout en accédant à des projets de plus grande envergure.

 

 

 

Alexandre Pierron-Darbonne : “Le succès d’hier ne fera pas celui de demain”

 


 

En 2024, l’Espagne sauve les meubles mais oublie les jeunes pousses

2024 n’aura pas été de tout repos pour les investisseurs. Entre inflation persistante, taux d’intérêt élevés et ralentissement des sorties, le climat économique européen a pesé sur l’ensemble de la chaîne du capital-risque. Pourtant, l’Espagne s’en est mieux tirée que ses voisins. 

Alors que l’investissement institutionnel a reculé dans la plupart des pays européens, l’Espagne a enregistré une légère hausse, portée notamment par les tours de financement les plus avancés, comme les séries B et C. Autrement dit, les investisseurs ont continué à soutenir les start-ups déjà bien développées, malgré un contexte économique tendu.

Le tableau est plus sombre pour les jeunes pousses. Les premiers stades de financement — pré-amorçage et amorçage — ont encaissé un recul de plus de dix points en un an, rendant l’accès aux capitaux de démarrage particulièrement ardu. Un coup dur pour les start-ups en phase de lancement, qui peinent à franchir les premiers obstacles sans ce carburant initial.

 

 

 

Croissance, emploi, déficit : l’Espagne confirme son rôle de locomotive en Europe

 


 

L’écosystème espagnol séduit, mais l’amorçage reste le talon d’Achille

L’Espagne confirme sa montée en puissance sur la scène européenne du capital-risque. Elle se hisse au 7ᵉ rang en volume investi dans les start-ups et figure parmi les quatre marchés les plus attractifs, derrière l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France. Ce positionnement s’appuie sur le retour des capitaux étrangers, stimulé par la reprise économique et la baisse des taux d’intérêt au second semestre 2024.

Porté depuis vingt ans par un écosystème structuré — aides publiques, accompagnement privé et synergies universitaires —, le pays offre un terrain fertile à l’essor des business angels. Mais les phases précoces restent en souffrance, et leur rôle s’annonce plus décisif que jamais. 

Le rapport plaide pour une professionnalisation accrue, des outils de co-investissement plus solides et une spécialisation sectorielle renforcée, afin de répondre aux défis d’un environnement entrepreneurial en pleine mutation. 

Dans une Espagne qui séduit les capitaux, les business angels restent les jardiniers de l’innovation fragile, ceux dont l’engagement discret pourrait bien faire germer les succès de demain.

 

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